Dimanche 2 Août 2015.
Chers amis, ce vingt-deuxième jour de marche est le dernier. Non, ce ne sont pas mes doutes qui ont eu raison de moi, c’est le développement de l’insécurité dans le sud-est.
Depuis plusieurs jours le conflit s’amplifie. Des camions et des bombes explosent sur les bords des routes et dans les villes. Des roquettes sont tirées. Il y a de plus en plus de victimes. Les gens ont peur. Pour eux-mêmes, pour leurs enfants, pour l’avenir.
Marcher est à présent devenu impossible. Cette marche pour la vie et la justice ne peut plus se poursuivre dans les conditions minimales de sécurité requises. C’est le coeur lourd que je vous partage cette nouvelle.
Je me suis donc arrêté, ce dimanche, à Güroymak, aux portes de la plaine de Mouch, après seulement 4 kilomètres parcourus.
Je pense à cet instant, à toutes celles et ceux qui cheminent avec moi par la pensée et la prière, mais aussi à travers mon récit quotidien. Je pense à toutes celles et tous ceux qui, en France et ailleurs m’ont porté et me portent encore.
Si je suis contraint d’arrêter de marcher, je chemine encore tel un pèlerin dans le sillon de l’histoire, avec dans mon coeur et dans ma tête les mémoires des Arméniens auxquels je veux rendre hommage en cette année du Centenaire.
Je ne plaide aucune consolation pour moi-même. La seule consolation que j’invoque est pour celles et ceux dont les vies ont été pulvérisées.
Aujourd’hui c’est dimanche. C’est le jour de la grande Consolation. C’est le Jour où beaucoup d’entre vous prient et méditent dans les églises et les temples. Permettez-moi de vous partager cette sublime supplique : Der Voghormia. L’avez-vous déjà entendu résonner sous le dôme d’une Église Arménienne ? En voici le texte.
« Seigneur, aie pitié,
Seigneur, aie pitié,
Seigneur, aie pitié,
Trinité très sainte,
Donne la paix au monde,
Et la guérison aux malades,
Le Royaume aux défunts,
Lève-toi, Dieu de nos pères,
Asile de ceux en détresse,
Viens secourir tes serviteurs,
Sois le secours de la nation arménienne,
Seigneur, aie pitié, Seigneur, aie pitié,
Jésus Sauveur, aie pitié. »
Cette prière est pour moi la plus belle. Elle parle au monde entier. Elle parle aux êtres humains dans leurs fragilités. Elle parle aux Arméniens dans leur détresse et dans leur espérance.
Pourtant, il m’arrive aussi d’exprimer ma colère à travers cette prière. Et voici, aujourd’hui en quels termes.
Seigneur, aie pitié. Quelque soit ton nom, depuis toujours les êtres humains te cherchent. Il paraît que tu peux tout. Tu sais aussi que bien des gens se demandent encore où tu étais à Deir-es-Zor comme à Auschwitz ? Si donc tu es le Dieu des petits et des grands, des papillons, des étoiles, des cailloux, des oiseaux, des éléphants, des poissons, du raisin, du vent, de la pluie et du soleil (…) alors oui, vraiment, il faut que tu aies pitié de toutes ces violences et de cette haine qui brûlent les consciences et les cœurs des hommes.
Donne la paix au monde. Les hommes ont beau te le demander, elle demeure toujours un rêve, une utopie, une espérance. Dieu, vois-tu cet Orient qui ne cesse de s’effondrer sur lui-même ? Les hommes te supplient autant qu’ils tuent.
Asile de ceux en détresse. Ne vois-tu pas Dieu ces milliers de désespérés qui se jettent chaque jour sur les gigantesques grilles des frontières barbelées ? Ne vois-tu pas aussi ces milliers de désespérés qui se noient chaque jour en Méditerranée ? L’asile est partout menacé par des États qui l’ont pourtant érigé en principe d’humanité.
Sois le secours de la nation arménienne. Franchement Dieu, les Arméniens n’avaient-ils pas assez souffert ? Regarde en Syrie. Les Arméniens vivent un nouveau un chaos, là où cent ans auparavant ils ont vécu l’enfer sur Terre.
A la lumière de ces quelques lignes, vous vous demanderez sans doute si ma colère me fait perdre les pédales ? Il n’en n’est rien. Si je suis en colère, c’est parce que je crois au fond de moi que Dieu, s’il existe quelque part, pleure avec l’enfant qui pleure, souffre avec la femme qui souffre, crie avec l’homme qui crie.
Je vous embrasse toutes et tous.
A demain.
Pascal,
En ces moments difficiles pour toi je te renouvelle que tous : Agnès, Laurence, Valérie et moi + tous les petits qui nous entourent nous pensons bien à toi et t’accompagnons par la pensée et la prière.
Je t’embrasse avec tes sœurs.
A demain si tu peux écrire.
Maman
SALUT FRANGIN,
Tous ces jours je t’ai suivi dans ta marche, j’ai voulu à ma manière t’encourager, cette décision a du être très dure à prendre mais effectivement si les bombes te tombent autour, ce n’est pas là le but de ta marche. HE! J’ai qu’un frère …
Quoi que tu fasses aujourd’hui ou dans tes futurs projets je serais là pour te soutenir.
ta sœur qui t’embrasse très fort
agnès
Cher Pascal,
A la lumière de tes dernières nouvelles,nous comprenons la douloureuse décision que tu as dû prendre.
Nous sommes de tout coeur avec toi.
Nous t embrassons.
Que Dieu te bénisse .
Cécile et Zabel.
Mon très cher Pascal ,
C est le coeur lourd en effet que tu es contraint de stopper cette Marche mais sois sûr que la Mémoire des victimes de 1915 à été honorée et que ce bel Hommage n’aura pas été vain.
Qu importe un jour peut être ces chemins pourront a nouveau être empruntés
dans un réel esprit de méditation et de sérénité.
Avec tout mon amour.
Gros Batchigs.
Sylvie
Toi Pascal! perdre les pédales? Non tu as parfaitement le droit d’être en colère. Vois-tu, moi je ramènerai toujours à la prière qu’Il nous a laissé. Le Seigneur nous demande sans cesse de pardonner à tous ceux qui nous ont offensé. Nous nous sommes tous éloignés de Lui. Tu le sais, Il nous aime!
QU’IL SOIT BENI et toi aussi